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Femmes, osons être imparfaites!

Être une bonne mère, une employée modèle, une partenaire épanouie, une amie serviable… Les femmes d’aujourd’hui veulent être sur tous les fronts. Et elles ont raison ! Sauf lorsqu’elles cherchent à assurer partout, tout le temps. De peur sinon de se sentir coupables, ou pire, incapables. Claire-Marie Best, psychologue et auteure d’Imparfaite, pourquoi pas ! (Armand Colin) nous explique pourquoi il est temps de changer de regard, pour s’épanouir pleinement, et réussir à faire les bons choix.


femme déguisée en superwoman


Pourquoi les femmes courent-elles après un idéal vraisemblablement inatteignable ?


Claire-Marie Best :Dans les années 80,superwoman était bien vue. Les femmes se sentaient enfin capables et autorisées à travailler, tout en s’occupant de leurs enfants, et en étant présentes pour leur conjoint. À faire tout et à le montrer. Mais nous vivons aujourd’hui dans une société où règne le culte de la performance et de la réussite. Alors oui, nous savons accumuler les tâches, et nous pouvons le faire. C’est important, c’est ce qui nous permet d’avoir le choix. Y compris de tout choisir. Le problème, c’est de vouloir tout faire, en étant au top partout. De chercher à exceller dans tout ce que nous entreprenons, sous prétexte que nous l’avons choisi.



En se libérant, la femme se serait donc, paradoxalement, enfermée ?


Exactement. Parce qu’elle veut tout mener de front, avec une représentation idéale de ses différents rôles. Être une working girl en tailleur impeccable qui court partout avec le sourire et qui, en plus, est efficace et compétente. Une maman aux petits soins pour ses enfants, prête à gérer les moindres soucis, l’organisation millimétrée, l’éducation, la transmission des valeurs. Mais aussi une super amante, épanouie, et qui comble son partenaire sur le plan de l’érotisme. Depuis qu’elles ont acquis la possibilité de pouvoir tout faire, les femmes s’imposent de devoir tout faire excellemment bien. Quitte à s’y épuiser. Quant à celles qui font certains choix plutôt que d’autres, elles sont écrasées sous le poids de la pression sociale. Celles qui choisissent de ne pas avoir d’enfant. Celles qui choisissent de ne pas travailler pour s’occuper de leurs enfants. Celles qui font des enfants mais s’investissent quand même dans leur carrière. Quoi qu’elles choisissent, les femmes se sentent coupables.



Si être une superwoman est impossible, il faut donc en faire le deuil ?


Le perfectionnisme n’est pas l’ennemi à combattre. Ce sont les raisons pour lesquelles nous cherchons à l’atteindre qui sont dangereuses. Il s’agit de faire la différence entre le perfectionnisme ambitieux et le perfectionnisme préoccupé. Le fait de se donner à 100 % dans un domaine qui nous fait vibrer et qui a du sens pour nous est beaucoup plus bénéfique, sur le plan de la santé et de la psychologie de manière générale, que de chercher à être parfait juste par peur de ne pas être à la hauteur, par peur du regard des autres.



Vous prônez donc une forme de perfectionnisme positif ?


Ce qui est atteignable, c’est de chercher la perfection dans un domaine donné, sur un temps donné. Mettre toute sa personne, toute son énergie, toutes ses compétences dans le rôle que l’on a choisi d’investir, à ce moment précis de sa vie, sans essayer de se débattre avec les éléments pour être sur tous les fronts. C’est ce qui permet de se sentir en accord avec soi et avec ses choix. Mais je ne dis pas que le fait d’avoir mis le reste de côté n’entrainera pas tout de même un peu de culpabilité. C’est un petit prix à payer pour s’épanouir vraiment dans le domaine que l’on a choisi à ce moment de sa vie.



Mais la culpabilité sera toujours présente. Comment ne pas trop en souffrir alors ?


En l’acceptant. Accepter que l’on puisse être, sur un temps donné, portée par le choix que l’on fait, et de l’autre, que l’on puisse éprouver des émotions désagréables, des pensées un peu sombres, quant aux aspects de notre vie que nous délaissons temporairement. Plus nous luttons contre notre culpabilité, plus elle prend de l’importance, et plus notre sentiment d’insatisfaction générale va à l’encontre de notre épanouissement.



Comment choisir le domaine dans lequel s’investir ? Faut-il établir une sorte de liste des priorités ?


Il faut d’abord réussir à distinguer nos priorités de celles que nous impose la société. Se demander : de quoi ai-je vraiment envie en ce moment, dans ma vie ? Et non : que suis-je censée choisir ?


femme fatiguée devant ordinateur


Comment, alors, avoir la conviction profonde que nous faisons tel ou tel choix pour nous, et non parce que la société nous y pousse ?


C’est difficile, surtout lorsque tout nous semble important. Nous sommes tellement en prise avec des représentations rigides de ce que nous devons être que nous ne savons plus discerner ce qui est vraiment important pour nous. Seul un travail d’introspection peut nous y aider. De quoi ai-je vraiment envie aujourd’hui ? Qu’est-ce qui me fait vibrer en ce moment ? Dans quel domaine me suis-je sentie en accord avec moi ? Parce que nous sommes convaincues qu’il nous faut être partout en même temps, nous ne nous posons jamais ces questions. Et puis il faut aussi une dose de lucidité : lâcher la lutte, et être capable de se dire : stop, rien ne m’oblige à être sur tous les fronts, et à obéir à toutes les injonctions de la société. Bien sûr que la conformité aux attentes est une attitude que nous avons toutes intériorisé, qu’il est très difficile de se détacher des images véhiculées par l’éducation, par les médias. Mais il nous est possible d’apprendre à « faire avec » le jugement extérieur.



Comment justement supporter le regard de l’autre ?


Ce n’est pas le jugement en lui-même qui nous dérange, ce sont les émotions qu’il éveille en nous. Il nous est impossible d’agir sur le regard de l’autre, mais nous pouvons apprendre à accepter nos émotions négatives. À ne pas les redouter. Parce que c’est cette crainte qui nous pousse à obéir malgré nous. Et au dépend de ce qui nous importe. Il faut, à un moment, choisir entre obéir à ses émotions négatives, ou décider d’emprunter la voie qui nous importe vraiment, avec son paquet d’émotions négatives sous le bras.



Quel rôle pour les hommes, dans tout cela ?


Les hommes ont tendance à penser soit que les femmes sont trop exigeantes envers elles-mêmes, soit qu’ils sont eux aussi soumis aux mêmes attentes. Ce qui est en partie vrai. Mais la charge familiale et mentale (tout ce qui touche à l’organisation du quotidien) revient encore et toujours aux femmes. Et ce, même si les hommes sont de plus en plus proches de leurs enfants, et s’en occupent de plus en plus. Alors sans raisonner en terme d’égalité pure, et de parité, la vraie question selon moi c’est : comment s’aider ? Comment concilier nos envies d’avancer de manière constructive ? Il n’est pas question de faire sans les hommes, et il est essentiel qu’ils prennent conscience de la charge qui pèse sur les épaules des femmes. Alors comment peuvent-ils les aider ? En les soutenant dans leur choix, et en les aidant à encaisser leurs émotions négatives.



Sauf que, notamment pour des raisons financières, certaines femmes n’ont pas « le choix ». Et notamment les mères seules. Que dites-vous à ces femmes-là ?


De faire au mieux. Et d’être pleinement dans le rôle qui leur tient à cœur, même si ce n’est que le temps d’un après-midi. Se dire, par exemple : les deux prochaines heures, je suis avec mes enfants, et seulement avec eux. Je ne réponds pas au téléphone, je ne pense pas à mes problèmes divers. Je suis là, avec eux, parce que je l’ai choisi. Rien que le fait de s’autoriser cela, de prendre conscience qu’elles ont ce libre-arbitre là, ce levier à actionner, cela leur fait un bien fou. Elles sont libres de ne pas penser à leur travail quand elles sont avec leurs enfants, et inversement, de ne pas penser à leurs enfants quand elles sont au travail. Libres de ne pas être en pilote automatique systématiquement, à penser à la "to-do list" qui s’allonge, plutôt que de vivre l’instant présent.




Qualifieriez-vous votre démarche, et celle de votre livre, de féministe ?


La difficulté que j’ai, par rapport aux engagements féministes, c’est que les femmes ne luttent pas toutes pour les mêmes causes et oublient souvent qu’elles ne partagent pas toutes les mêmes valeurs. D’un côté les féministes progressistes, qui se battent pour la parité et dénoncent la domination masculine. Et de l’autre les naturalistes, qui défendent l’idée que les femmes sont libres de se consacrer toutes entières à leurs enfants. Ces deux courant ne se comprennent pas, voire se méprisent. J’ai la conviction que nous devrions plutôt miser sur une solidarité dans ces questions féministes, et que l’égalité devrait être un combat collectif. Nous avons aujourd’hui cette possibilité sans précédent de pouvoir choisir : d’avoir ou de ne pas avoir d’enfant, de mettre sa carrière au premier plan ou non, de rester célibataire, d’élever des enfants seules… Pourquoi cette incroyable diversité de choix aurait-t-elle ouvert la possibilité de juger l’autre, celle qui ne fait pas comme soi ?

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